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Le site BASE, publié par Documents d'Artistes Bretagne, diffuse les productions de récents diplômés de l'Ecole Européenne Supérieure d'Art de Bretagne, qu'ils soient aujourd'hui artistes plasticiens, graphistes ou designers.
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LES CHANTIERS-RESIDENCE, menés par Passerelle Centre d’art contemporain et Documents d’Artistes Bretagne, accueillent chaque année deux artistes émergents vivant et travaillant en Bretagne pour mener à bien un projet, accompagnés d’acteurs professionnels.
À l’issue de 3 mois de résidence, le projet fait l’objet d’une exposition personnelle à Passerelle Centre d’art contemporain, Brest. Un site internet, mis en oeuvre par Documents d’Artistes Bretagne, rend compte de la résidence et des étapes de conception et de réalisation du projet.

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MAJ 12-10-2018
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Entreprise de séduction
Espace d'art contemporain, campus HEC Jouy-en-Josas, 2017
 
 
L'exposition est composée de cinq parties qui, chacune, correspondent à une salle de l'espace de la galerie. Le travail a été mené à partir d'une recherche sur la Manufacture Oberkampf dans les archives du Musée de la Toile de Jouy. Il donnera lieu en 2018 à une publication. La Manufacture Oberkampf a été active du début du développement industriel dans la France prérévolutionnaire à sa fermeture en 1843 ; la fin de l'Empire marque le déclin de l'entreprise. Les « bonnes » conditions de travail, les images pastorales et politiques du tissu imprimé qu'elle produit et les liens quelque peu voilés avec l'entreprise coloniale constituent autant d'éléments notables de la Manufacture. L'usine d'Oberkampf exposait les conditions de production communes à la période de transition vers ce que E. P. Thompson nomme le « capitalisme industriel » : non seulement les transformations des techniques de manufacture qui exigent une plus grande synchronisation du labeur et une précision accrue de l'organisation du temps, mais aussi la manière dont ces changements sont vécus. Un « système de l'usine » et un « système domestique » se chevauchent. Les oeuvres traitent des rapports complexes entre désir et consommation en temps de capitalisme, re-conceptualisées comme la capture et la reconfiguration du désir. Deux figures tutélaires, Rousseau et Robespierre, fixent les limites de l'exposition, tous les deux d'une certaine manière incarnés, le premier par sa tombe figurant sur une gravure d'après une toile de Jouy; et par le cadavre d'un mannequin sans tête pour le second. Les oeuvres sont conçues comme des objets détenteurs d'une littérarité visuelle. Elles possèdent une force matérielle. Elles sont vues. Elles sont lues. Antiquités, bagatelles, rubans, soie et dentelle, déshabillés..., l'exposition est « incroyable » et « merveilleuse ». L'exposition se compose de cinq tableaux. Chacun d'entre eux offre une scène ou une mise en scène. Chacun reprend des éléments semblables sous différentes formes : peaux, meubles, image(s)/gravures, créatures naturalisées et un ou des objets faits main, par un artisan qualifié, pour quatre d'entre eux, et par une amatrice appliquée pour le cinqième. Chaque scène contient une référence à la Manufacture Oberkampf.
 
 
 
 
 
LA PASTORALE
Un tapis rouge, huit chaises dorées à sièges de satin rouge, huit têtes de biches au cou charmant orné de rubans rouges, des oiseaux chanteurs empaillés perchés sur les chaises, tenant dans leurs becs des mouchoirs en lin; les mouchoirs portent des devises de la période révolutionnaire brodées en fil de soie rouge par Sharon Kivland, ouvrière non qualifiée.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LA CHASSE
Une fresque en garance dresse le décor (d'après une toile), une chaise longue réduite à sa seule armature, deux peaux de biches du cuir le plus doux, deux gravures inspirées d'une toile : un cerf et une biche, les bois d'un cerf, une redingote blanche en lin doublée de soie rouge, et une chemise en lin blanc des plus fins avec un ruban de soie rouge réalisées par Marie-Andrée Bernard-Trebern.
 
 
 
LE PROCÉS
Un tapis rouge, huit chaises dorées à sièges de satin rouge, huit têtes de biches au cou charmant orné de rubans rouges, des oiseaux chanteurs empaillés perchés sur les chaises, tenant dans leurs becs des mouchoirs en lin ; les mouchoirs portent des devises de la période révolutionnaire brodées en fil de soie rouge par Sharon Kivland, ouvrière non qualifiée.
 
 
 
 
L'EXÉCUTION
Une gravure de la tombe de Rousseau (sur une petite île à Ermenonville, où il passa les six dernières semaines de sa vie) copiée d'une toile de Jouy, la gravure d'un sanglier poursuivi lors d'une chasse, reprise d'une toile, une tête de sanglier, une peau d'agneau rouge de cuir satiné, un mannequin du dix-neuvième siècle avec des bottes en bois peint et dont le cou sans tête est une version contemporaine d'un jabot en dentelle à l'aiguille au point d'Alençon (d'après la toile de Jouy « Bonnes herbes », la plus célèbre de la période révolutionnaire) et en dentelle au fuseau, la partie supérieure paraissant tachée de sang, création de l'ancien dentellier aujourd'hui artiste Thomas Gaugain.
 
 
L'INVITATION AU VOYAGE
Une chaise seule, un rocking chair, tapissée de toile de Jouy, avec un dessin de J-J Rousseau, éboniste, pour le visionnage d'un court-métrage sur le dépliage et le pliage de toiles de Jouy accompagnés d'un inventaire des noms de tissus avec, hors champ, une voix qui récite des manifestes de cargaisons de navires quittant la France pour l'Afrique chargés de marchandises destinées à la traite (guinées, indiennes, mouchoirs, deux grandes ombrelles cramoisies, douze redingotes...) et à l'approvisionnement des colonies (sucre, riz, café, trois cents esclaves d'Angola, deux cents du Sénégal...).
 
 
 
 
Les fils rouges de l'"Entreprise de Séduction" (à la française).
Sharon Kivland à l'espace d'exposition HEC, Jouy.


L'Espace d'art contemporain d'HEC à Jouy en Josas se situe, si j'ai bien compris, dans une résidence universitaire. Le soir de l'inauguration, quelques étudiant·e·s en tenue de jogging entraient et sortaient en courant par le couloir entre les salles d'expositions, qui sont montrées dans les photos ci-dessus depuis l'extérieur, par leurs vitrines. Sauf la dernière, où on voit les baies vitrées et le dehors. Sans doute marque-t-elle une interruption dans la narration. Elle montre un mannequin acéphale, tête coupée, revêtu·e d'un jabot en dentelle à l'aiguille point d'Alençon au motif tâche rouge-sang : celui d'un Robespierre aujourd'hui exécuté, littéralement, par le seul dentellière au masculin, Thomas Gaugain.

Depuis ces « vitrines » d'un espace sis dans le campus d'une école de commerce, on voit le rouge qui tache apparaître en un leitmotiv et faire remonter l'histoire de la toile de Jouy et de la Bièvre où se développa la manufacture Oberkampf. La fabrique de l'ex-graveur allemand donna son nom générique à des étoffes imprimées de scènes garance via des tambours de cuivre. Dès 1770, cette technique permit d'augmenter les cadences de travail et de mécaniser les gestes, mettant la manufacture en transition vers un "capitalisme industriel" propre aux empires coloniaux, comme le note Sharon Kivland*. Celui-ci se révèle en négatif par la succession de motifs pastoraux où se déploie, déjà, les figures constituantes d'un mythe de la "séduction à la française", qui a récemment repris du poil de la bête, lâchant sa bouffée saumâtre d'hétérosexualité compulsive, blanche et classiste.

C'est la fabrication du lien entre séduction et identité française. que déconstruit également, l'exposition de Sharon Kivland, du moins c'est ainsi que je tire à moi la lecture des indices semés sur la scène du crime. Un volume ouvert de l'Emile de Jean-Jacques Rousseau, dans la collection de la Pléiade, répond à la gravure élégiaque de son tombeau dans le jardin d'Ermenonville. Je renvoie ici au travail de Geneviève Fraisse tirant les "fils rouges" tissant l'inégalité des sexes  chez Rousseau. Les peaux animales naturalisées -quel terme!- partout présentes, du renard rouge aux têtes de cerfs et aux oiseaux, répondent aux oripeaux: chemises défaites, dentelle et mouchoirs déployés, voire même du mobilier, une bergère, par exemple, elle aussi mise en position déshabillée.. Les "apprêts" de l'Ancien Régime semblent avoir été dévastés, tandis  que les  procès révolutionnaires sont convertis en scène de défilé de mode, avec tapis rouge et ses chaises dorées, où la décapitation se mime par des colifichets - un ruban rouge autour du cou des cerfs, dont se paraient, dit-on, les participant·e·s aux "bals de victimes" après 1797- et où des slogans révolutionnaires brodés sur des mouchoirs sont l'apanage des oiseaux.

Un film, un peu plus loin, plie et déplie des rouleaux de toile de Jouy pendant qu'une voix énumère  les têtes de chapitre: Indienne, damas, guinée (une mousseline) permettant d'indexer les étoffes, qui, embarquées sur les bateaux de la traite des esclaves, servaient de monnaie d'échange en Afrique occidentale contre les vies humaines ainsi mesurées en pièces de toile manufacturée.

Elisabeth Lebovici, 2018
Texte paru sur le blog Le Beau Vice